LA FÊTE DU CAVADEE : 10 JOURS DE DÉVOTION

Le cavadee est une des fêtes religieuses tamoules célébrées avec beaucoup de ferveur spirituelle et de joie à travers le monde. La fête du Cavadee est célébrée à six reprises selon les données du calendrier tamoul (le panjangam) : "Thai-poûssam" (mi-janvier à mi-février), "Sittirai paournami" (mi-avril à mi-mai), "Vaighasi-visâgam" (mi-mai à mi-juin) et "Adi-Kartigeye " (mi-juillet à mi-août) , Aavani moulan et de Pangouni Outtiram. Après sacrifices, prières et jeûne, les fidèles retrouvent la joie en portant des Cavadi ou des " palcoudams " (des gros récipients remplis de lait). C’est une façon pour eux d’exprimer cette joie et cette sérénité après une période de purification afin de communier avec Dieu. Pour un très grand nombre de fidèles, la tradition religieuse du Cavadee, dédiée à Muruga est la voie choisie pour se rapprocher de lui. Le rituel est une étape d’initiation pour atteindre un niveau élevé de développement spirituel qui investit l’âme d’un état de pureté.


Les Photos de Kat.
Les Photos de Kat.

L’ORIGINE DU CAVADI

Cavadee (cavou-thadi) signifie perche portée sur l’épaule avec deux fardeaux suspendus aux deux extrémités. Le montage d’un Câvadi se fait avec des bambous ou des rotins, montés en forme traditionnelle d’un arc orné de fleurs. On peut voir aussi d’autres formes telles que celle d’un paon, d’un vel (lance) ou d’un "gôpouram" (tour d’un Kôvil : chapelle). La fête du Câvadi est basée sur une légende dépeignant le sage Agasthiar qui ordonne à son disciple, Idoumben, de porter sur l’épaule les deux collines (" Sivagiri " et " Saktigiri ") des Himalayas pour se diriger vers Pajhani qui se trouve à 123 km de Madourai. Idoumben exécute l’ordre de son gourou. En arrivant tout près de Pajhani, il dépose par terre les deux collines pour se reposer. Après son repos, il décide de repartir. Mais il n’arrive pas à soulever les deux collines. Pour démontrer sa puissance à Idoumben, Muruga s’est réfugié sur une des collines. Malgré la colère d’Idoumben suivi d’un sérieux incident entre les deux, celui-ci n’a pu résister à la force spirituelle de Muruga. Finalement, il reconnaît le Seigneur. Il a Vite compris que c’est une plaisanterie (thirouvileyâdal). C’est ainsi qu’il obtient la grâce de Muruga. Ainsi, tous les dévots qui font la pénitence comme Idouben en portant le Câvadi jusqu’au sanctuaire (sannidhi) de Muruga obtiendraient eux aussi la grâce divine.
 

LA LIBERATION

La légende d’Idoumben nous enseigne qu’il y a deux souillures (malam) qui affectent l’âme selon le système de la philosophie du Saiva Siddhanta On devrait les faire disparaître afin d’être libéré de ce monde terrestre (mannoulagam). Ces deux souillures ("Karma" et "Mâya") représentent deux fardeaux très lourds qui pèsent sur l’homme comme ces deux collines que porte Idoumben sur son épaule. Le karma est le fruit de bonnes et de mauvaises actions qui accompagne l’âme de naissance sur terre. Le Maya est la matière avec laquelle Dieu crée des créatures et l’univers ou la confusion d’esprit qui est causée par les attachements matériels.

 

Ceux qui réussissent à vaincre le "Karma-malam'' et le ''mâyamalam" sont classés dans la catégorie de " Viggnâkalar "(gens ornés de connaissance). Le " ahnavemalam " (le lien de l’ignorance) se détache de l’âme par la grâce de Dieu quand elle aura été délivrée de ces deux souillures (Karma et Mâya). A ce stade, l’âme (athma) est unie à Dieu dans le " paralogam " (monde supérieur) et les naissances cessent d’exister pour elle. " Seuls peuvent nager à travers la mer des naissances, ceux qui ont atteint les pieds du Seigneur. Les autres ne le peuvent ", dit Thirou Vallouvar au verset 10 de son “ Thirouk-Koural ".
 

CODY ETTRAM OU LA LEVEE DU DRAPEAU

La cérémonie religieuse du Cavadee commence à partir du jour où le drapeau est hissé (codi-ettram) au Kôvil. Le codi ettram est une cérémonie marquant l’ouverture d’une période de jeûne qui durera dix jours, c’est-à-dire jusqu’au jour de la fête. C’est une période de réflexion et de méditation sur Dieu et sur soi-même. La période de jeûne (viradham) comporte une observation très stricte d’un régime végétarien (saiva sâppâdou) léger qui favorise la méditation. Le jeûne purifie l’âme et le corps, et apporte la paix intérieure. Sur le plan physique, le jeûne règle les systèmes de l’organisme humain.

 

De plus, nos sages ont établi le système de "Hâtha-Yogâ", une sorte d’exercice, liée à la méditation pour le développement du corps physique afin d’être toujours en forme et en bonne santé tout en évitant de contracter les maladies. En pratiquant la méditation, on contrôle l’esprit et la pensée pour une vie paisible et pour être en union avec le Suprême. L’abstinence du tabac et de boissons alcoolisées est observée, Vallouvar nous met en garde contre l’alcoolisme au verset 923 du chapitre consacré à ce fléau dans son Thirouk-Koural : " L’ébriété de l’ivrogne répugne même à sa mère ; que ne doit-elle pas être aux yeux des sages “. L’homme doit également réprimer ses pulsions sexuelles. Durant les dix jours de jeûne, tous les fidèles se réunissent aux Kôvils pour assister à la cérémonie religieuse accompagnée de prières, de mantra et de chansons tirées du Thirouppougazh, et consacrés à Muruga, le Seigneur Suprême. D’autres chansons sont aussi composées pour la fête.


LE THIROUPPOUGAZH D’AROUNAGIRI NADHAR

Arounagiri Nadhar, un messager de Dieu du quinzième siècle, dont la mission était de glorifier le Seigneur Muruga et de répandre la spiritualité à travers le monde, a composé des louanges à Muruga dans son "Thirouppougazh". Il fait cela non seulement pour obtenir la grâce du Seigneur pour son propre bien mais aussi pour demander le pardon des autres tout en assumant lui-même les péchés du monde. Au mois d’Agni (mi-juin à mi-juillet) dans le "Moûlanachattiran'' (constellation lunaire ou le nom d’une étoile), le Saint ArounagiriNadhar attegnit la suprême béatitude (paramotcham). A travers cette belle chanson mélodieuse de Thirouppougazh, il s’adresse à Muruga en lui demandant sa grâce pour la libération éternelle :

 

" Ô, Maître et Seigneur de la Vraie Connaissance !

Ô, Fraîcheur d’Ambroisie en forme d’Univers des Ondes !

Ô, Architecte du Bien et Siège de la Béatitude Céleste !

Ô, Seigneur de la Danse de la Lumière Eternelle !

Que je me délivre des chaînes de la naissance

Que je ne m’associe pas aux imposteurs

Que je ne me lasse pas de lire et de relire la " Triade Tamoule " (Lettres, Danse, Musique)

De grâce ! montrez moi la ‘voie qui mène à la Béatitude Eternelle ! "

 

LE SHAKTl-VEL (LA LANCE SACREE)

Le "Vel'', symbolisant la puissance spirituelle avec laquelle le démon (asura) le moi ou l’ignorance chez l’homme est vaincu, apporte toujours la Victoire (Vettri), "Vettri-Vel". ''Kadhir-Vel'' (les rayons du soleil) représente la lumière spirituelle qui pénètre notre intérieur et chasse l’illusion ou les attachements (mâya), illumine notre esprit et nous donne la sagesse divine (gnânam), "Gnâna-Vel".

 

ABHISHEGAM (LA CEREMONIE DU LAIT)

Les fidèles apportent du lait dans des "sambous" (petits pots en cuivre) attachés aux cavadee ou dans des " coudams " (grands pots) portés sur la tête principalement par les femmes et les jeunes filles. Chaque sambou rempli de lait est fixé à chaque extrémité de la perche (dandam).

 

Lorsque les fidèles arrivent au sanctuaire (sannidhi) de Muruga dans le Kôvil, une partie du lait sacré est versée sur le murthi (statue) de Muruga par l’Archagar (prêtre officiant) pour la cérémonie "Abhishegan". Et le reste du lait béni est remis aux fidèles pour être partagé aux autres. Le lait symbolise la pureté. Nous demandons à Dieu de nous délivrer du voile de l’illusion et de nous bénir pour que notre âme devienne pure comme ce lait.

 

CODHI IREKKAM OU LA DESCENTE DU DRAPEAU

Le lendemain du Cavadee, c’est-à-dire le onzième jour( ou le dixième jour), c’est la cérémonie de la descente du drapeau pour marquer la clôture du jeûne. A partir de là, tous les non-végétariens retournent à leur habitude normale.

 

CONCLUSION

Les tamouls ont toujours montré un attachement infini à Muruga, le Suprême. Ils disposent aujourd’hui d’une riche gamme de cérémonies et de fêtes religieuses, héritage d’un culte à la fois ancien et moderne, qui ne fait que renforcer leur lien spirituel avec le Suprême. Au vu de l’escalade de la violence physique et du mal causé par l’ignorance, à travers le monde, il devient plus qu’évident que pour l’humanité le seul salut réside dans son effort d’attirer la grâce du Très-Haut par le biais des prières, des méditations, des sacrifices et des pénitences pour contrecarrer l’émergence du mal.

 

La fête du Câvadi qui est une fête très colorée et dont le fondement repose sur une ferveur religieuse qui anime les tamouls, mérite d’être expliquée aux autres composantes qui assurent l’unité dans la diversité de la société réunionnaise. . Chaque religion au monde est sacrée puisqu’elle enseigne l’existence d’un seul Dieu, adoré dans beaucoup de cas de différentes façons. Ramalinga SWAMIGAL, le messager de Dieu du dix-neuvième siècle, illustre cette pensée dans son Thirou-Aroutpa :

 

"Chaque religion est soutenue par la grâce de Dieu. J’ai compris cette Vérité. D’où mon respect pour toutes les religions du monde."

Issue Sangam N°13. 




        

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