Inde : l’eau sainte du Gange bientôt vendue en ligne

Le gouvernement indien a l’intention de vendre des échantillons d’eau du Gange sur Internet. Les bouteilles seront livrées par la poste. Problème : l’eau reste très polluée.


Le marché de l'eau sacrée n'appartient pas qu'à Lourdes. Le gouvernement indien y a même entrevu l'opportunité d'une sainte source de revenus. En effet, celui-ci prévoit de vendre l'eau du Gange sur Internet, rapporte le site américain, Quartz. Le fleuve occupe une place très importante dans la culture indienne et particulièrement dans la religion Hindou : les croyants estiment en effet que plonger dans l'eau du Gange lave des péchés. Les cendres des morts y sont également dispersées, permettant d'atteindre le « moksha », la libération finale de l'âme individuelle.

Des centaines de milliers d'hindous s'y rendent donc chaque année. Des centaines de milliers d'autres ne peuvent pas y aller. Le gouvernement indien y a vu une opportunité. Vendu sur Internet, les « bouteilles d'eau du Gange » seront envoyées tout simplement par la poste, a annoncé Ravi Shankar Prasad, le ministre indien des Télécommunications. « J'ai demandé au ministère de développer un réseau, utilisant une plate-forme commerciale en ligne, afin que le peuple d'Inde puisse avoir accès à la purification par l'eau du Gange depuis Haridwar/Rishikesh (deux villes sacrées de l'hindouisme, NDLR) », a-t-il expliqué.

Le fleuve le plus peuplé du monde

Le gouvernement indien semble donc privilégier l'appétit de sacré de sa population plutôt que le nettoyage du fleuve. Il faut dire que l'entreprise de dépollution du Gange s'apparente à un défi titanesque.

Long de 2.500 km, le fleuve traverse les principaux Etats du nord de l'Inde. Véritable ligne de vie, son étendue (comprenant ses affluents) couvre un quart de la surface du pays et 400 millions d'habitants vivent autour et en dépendent bien souvent. Cela en fait le fleuve le plus peuplé du monde.

Difficile à nettoyer

"Pas moins de 746 industries" étaient installées le long du fleuve en 2015. Nombre d'entre elles y déversent toujours des déchets industriels non-traités. Un rapport du Central Pollution Control Board (CPCB), un organisme dépendant du ministère de l'Environnement et des forêts indiens, affirmait que " les industries telles que les tanneries, sucre, distillation, pâtes et papiers sont les principaux pollueurs du Gange et ses affluent".

A cela viennent s'ajouter les millions de litres d'eaux usées qui sont déversés dans le fleuve sans avoir été elle non plus traitées. "Les cérémonies de crémation organisées le long des berges du fleuve constituent une autre source de pollution", précise le rapport. Le fleuve est si pollué que le CPCB affirme : "même si 100 % des eaux usées étaient traitées, cela ne suffirait pas à rendre le Gange propre à la baignade".

Des tentatives de dépollution

Il y a donc fort à parier que, même à distance, les Indiens continueront de se purifier à l'eau polluée. Pourtant, comme le rappelle Quartz, au fil des décennies, les différents gouvernements indiens ont essayé à de nombreuses reprises de "nettoyer le Gange". Ainsi, dès 1985, les pouvoirs publics avaient lancé "la première phase de leur plan Action Gange", doté d'environ 595 millions d'euros. Malheureusement, cela n'a pas eu beaucoup d'effet sur la qualité de l'eau.

En 2009, le gouvernement national et les Etats traversés par le Gange ont créé "la National Ganga River Basin Authority (NGRBA), un organisme chargé d'élaborer une approche globale des problèmes du fleuve." L'objectif était alors d'éliminer tout rejet d'eau non traitée dans le fleuve d'ici 2020. Un programme jugé "ambitieux" auquel "la Banque mondiale fournit un soutien clef avec ses experts et 1 milliard de dollars sur le 1,55 milliard du budget initial (le reste étant apporté par l'Inde).

100 milliards de dollars pour nettoyer le Rhin

Enfin, l'an dernier, le Premier ministre Narendra Modi, a lancé "un appel public pour mettre fin à la pollution du fleuve sacré". Il a également appeler à "mettre en place deux dispositifs qu'il juge essentiels : le traitement des eaux usées des centres urbains qui longent le Gange et celui des effluents des industries".

Toutefois, le Premier ministre n'avait pas annoncé de mesure législative ni de plan d'action particulier et encore moins de financement. Dépolluer un fleuve coûte extrêmement cher. En 2012 déjà, la Banque mondiale rappelait que "le nettoyage du Rhin avait coûté près de 100 milliards de dollars".

New-Delhi mettra-t-il à profit les revenus tirés de l'eau sainte pour dépolluer un tant soit peu ce fleuve si vital pour l'Inde ?



        


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