La légende des 7 épices

Il était une fois, un maharadja, très riche, très bon et très très vieux. Depuis longtemps ses cheveux avaient blanchi, et, dans son immense palais de marbre, il regardait avec nostalgie les jeunes gens faire la cour à de jeune beautés.


Lui aussi avait été un amoureux ardent. La maharani, qu’il avait tant aimée, l’avait quitté depuis de nombreuses années, sans qu’ ucune concubine ne vint la remplacer. Il lisait encore parfois à de rare privilégiés, les vers inoubliables qu’il avait écrit pour elle. Il chantait maintenant la fraîcheur des sources et la beauté des roses en ses jardins odorants, sans que l’âge n’eût appauvri son talent.

Mais un beau jour, lors d’une grande fête au palais, le maharadja aperçut une très jeune et très belle princesse. Il en tomba immédiatement amoureux. Bien que le maharadja ait eu l’âge d’être son grand-père, il lui fit une cour passionnée, mais avec beaucoup de tact et d’attentions raffinées. Il la promena dans les endroits les plus charmants de son palais, et inventa pour elle des histoires fabuleuses pour répondre aux questions souvent mutines qu’elle lui posait. Chaque jour à l’aube il déposait sur sa couche un poème que la jeune fille découvrait en s’éveillant. Elle apprit à s’aimer dans le regard du vieil homme, et bientôt un amour réciproque les unit. Les yeux de la princesse, semblables aux émeraudes les plus pures ne voyaient que le maharadja, et son souffle, plus délicatement parfumé que le parfum des roses les plus sublimes se mêlait à celui du vieil homme.

Leur mariage fut célébré dans des fastes que le royaume n’ avait encore jamais connu, mais, lorsque le dernier lampion de la fête fut éteint, le maharadja sombra dans une grande tristesse. Malgré toute les caresses que lui prodiguait sa jeune épouse, il se rendit bien vite compte qu’il n’était plus en mesure d’assumer pleinement son rôle d’époux. Toutes les nuits il partait s’enfermer dans une chambre éloignée, laissant la jeune femme en larmes. Elles se demandait quelle faute elle avait bien pu commettre pour déplaire ainsi à son mari.

Le premier conseiller ne fut pas long à tout découvrir, et comprit immédiatement d’ou venait le problème. Avec beaucoup de précautions, car la situation était délicate, il parla au maharadja d’un très vieil ermite, moitié savant, moitié sorcier, qui connaissait le secret des épices. Il avait rendu leur virilité à beaucoup d’hommes qui voulaient prolonger les joies de l’ existence. Le maharadja ordonna qu’ on allât le chercher sur le champ.

Après avoir vu le maharadja, et pris connaissance de son problème, l’ermite partit immédiatement à la recherche de sept épices rares, et durant plusieurs jours et plusieurs nuits, il les traita, les réduisit en poudre, et les mélangea d’ une certaine façon, dont lui seul avait le secret. Une fois le mélange terminé, il le porta au maharadja afin qu’il en saupoudre généreusement tous ses aliments.

Le résultat ne se fit pas attendre, et le maharadja sentit renaître en lui l’ardeur de ses vingt ans. Fou de joie, il courut retrouver sa bien-aimée, et pendant trois jours et trois nuits lui prouva son amour.

L’ermite eut ses appartements dans le palais. Il y confectionnait la poudre magique, qui, jour après jour, entretenait la vigueur du souverain. Chacun avait pour le vieux savant la plus grande considération. Les années passèrent et deux beaux garçons vinrent égayer les vieux jours du maharadja, qui vécut encore assez longtemps pour leur apprendre ce que tout souverain doit savoir.

Le secret du mélange aux 7 épices se transmit de génération en génération, et continue à être jalousement gardé par quelques rares initiés qui en connaissent la recette.