Cimetière du Père Lafosse ou Le cimetière des âmes perdues

Unique en son genre, premier vestige d'un passé douloureux, on trouve dans le cimetière des âmes perdues, les reliques des premiers esclaves de Bourbon, à côté de celles des premiers habitants du quartiers. Il abrite la tombe du Père Lafosse, curé et maire de Saint-Louis, mais surtout grand militant abolitionniste.


Ce cimetière se trouve sur la commune de Saint-Louis, à côté de l'usine du Gol. 
      
Jean Lafosse est né le 2 octobre 1745 à Paris, dans la paroisse de Saint-Nicolas-des-Champs. Après ses études, il s'engage en 1762 chez les missionnaires lazaristes, pour y faire son noviciat. Ordonné prête, il reste à Paris jusqu'en 1772, année ou le vaisseau " le Choisseul " le débarque à Bourbon.
      
Il est d'abord vicaire à Saint Paul jusqu'en juillet 1775, tout en effectuant un bref séjour à Saint-André. En août 1775, il commence son apostolat dans la paroisse de Saint-Louis du quartier de Saint-Étienne. Le curé Lafosse, qui a gagné l'estime de ses concitoyens est élu maire de Saint-Louis aux élections municipales d'août 1790. Puis dans la foulée, député à l'assemblée coloniale. Les succès du curé député maire provoquent jalousie, méfiance et rivalités de plus en plus vives. Le curé Lafosse est déterminé à faire respecter les nouvelles lois relatives à la démocratisation et à l'application des droits de l'homme et du citoyen, l'île compte 37 000  esclaves dont 3 500 à Saint-Louis. 
      
Les partisans des "amis de l'ordre" dénoncent le père Lafosse comme un dangereux agitateur menaçant la tranquillité de l'île, il est suspecté d'incarner le danger de l'abolition de l'esclavage, ses démarches sont surveillées. La situation est si tendue qu'il démissionne de sa charge de maire pour protester contre les accusations dont il fait l'objet. Le 4 février 1794, l' Assemblée coloniale décrète l'abolition de l'esclavage. L'idée de l'égalité entre les hommes, farouchement défendue par le père Lafosse s'impose à tous. Mais, les autorités locales refusent de rendre publics les document officiels. L'assemblée prend des dispositions pour ajourner l'application de son décret.

Répression et expulsion deviennent le lot quotidien des républicains. En 1796, le père Lafosse, bien que privé de ses droits politiques, organise une riposte populaire. Les esclaves sont toujours traités comme des biens meubles et un impôt est même institué par tête d'esclave. Le curé organise la résistance et prêche la grève de l'impôt. Pour entraver le soulèvement, les autorités coloniales s'engagent dans la répression et les insurgés finissent par s'incliner. Le 26 mai 1798, le père Lafosse et d'autres chefs de révolte sont condamnés à la déportation en Inde. Le 8 juin ils sont embarqués sur " la Lorette ". 
      
En décembre 1798, on signale le retour dans l'île de la plupart des condamnés, à l'exception du Père Lafosse, qui restera en exil jusqu'en 1802. Affaibli, découragé, vieillissant , il n'est plus considéré comme un élément subversif. L'acte de décès du Père Lafosse mentionne la date du 12 octobre 1820. Assassiné, a retenu la mémoire populaire, version qui ne tient pas la route, aucun document ne venant le confirmer. 
      
Le Père Lafosse est rentré dans l'histoire de Saint-Louis et de l'île de la Réunion, grâce à la dévolution populaire il laisse aujourd'hui une réputation de sainteté, qui vaut à son tombeau une vénération qui défie les ans. 
      
Les réunionnais, le 20 décembre, pour la commémoration de la date anniversaire de l'esclavage se rendent au cimetière des âmes perdues, pour rendre hommage aux esclaves et à leur protecteur, qui y sont enterrés. Une façon de perpétuer le souvenir de cet homme qui avait voulu la liberté pas seulement pour lui mais aussi pour tous les hommes.