AFFRONTEMENTS ENTRE INDE ET CHINE : QUELLES SONT LES ORIGINES DU CONFLIT ?

Chinois et Indiens sont engagés depuis quelques semaines dans un face-à-face tendu le long de leur frontière contestée, en dépit des efforts de déconfliction. Lundi 15 juin, une altercation a dégénéré, provoquant la mort de dizaines de soldats.


Dans la nuit du lundi 15 au mardi 16 juin, des troupes indiennes et chinoises en sont venues aux mains dans une vallée du désert montagneux du Ladakh (nord de l’Inde), où leur frontière fait l’objet d’un litige de longue date. Bilan : 20 Indiens morts sous les coups ou d’hypothermie après avoir été jetés d’une falaise dans une rivière et, peut-être, 43 dans les rangs chinois.

Les corps des soldats indiens morts sont en cours d’autopsie et témoignent de la brutalité de l’affrontement. D’après les premières constatations,  la principale cause du décès est la noyade , selon une source sécuritaire. Les soldats indiens  ont été débordés et beaucoup d’entre eux ont été poussés dans une pente pierreuse raide. Ils sont tombés comme des objets en chute libre , dans les eaux glacées de la rivière.

Mercredi 17 juin, la Chine et l’Inde sont tombées d’accord pour « apaiser la tension » et ont évoqué des mesures en vue d’une désescalade.

Une frontière contestée

Depuis l’annexion du Tibet par la Chine en 1951, le tracé de la frontière fait l’objet d’un contentieux entre Chinois et Indiens. Ce tracé suit la ligne McMahon qui sépare de façon très imprécise l’Inde du Tibet depuis un accord de 1914. À partir de l’arrivée au pouvoir de Mao, les régions de l’Aksaï Chin, dans le nord du Cachemire, et de l’Arunachal Pradesh, à l’est du Bhoutan, toutes deux au sud de la ligne McMahon, ont été revendiquées par la République populaire de Chine (RPC).

Les territoires revendiqués n’ont guère d’intérêt. L’Aksaï Chin où a eu lieu la confrontation meurtrière de lundi est un désert de glace et de lacs salés à 5 000 m d’altitude. Les montagnes de l’Arunachal Pradesh culminent à 7 000 mètres.

Toutefois, elles sont  essentielles pour le contrôle des vallées voisines : posséder l’Aksaï Chin revient à avoir une porte d’accès soit au Cachemire, soit au sud-ouest chinois ; à l’Est, l’Arunachal Pradesh permet de menacer le nord de la Birmanie, l’est du Bengale, ou le sud-est du Tibet , explique Cédric Legentil, secrétaire général du comité Asie des Jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).

La guerre de 1962

Les négociations diplomatiques pour redessiner la frontière selon les vues de Pékin ont échoué, laissant craindre un recours à une option militaire. Le 20 octobre 1962, sans déclaration de guerre, l’Armée populaire de libération (APL) passe à l’attaque avec 80 000 soldats. Les 10 000 Indiens qui leur font face sont vite submergés. Cinq jours de combat feront 800 morts et deux fois plus de blessés dans les rangs de l’APL. Le bilan est plus lourd du côté Indien : 2 000 morts, 4 000 prisonniers et 1 700 disparus.

La bataille de Nathu La

Les contentieux territoriaux n’en étaient pas pour autant été réglés. Les tensions restaient vives sur la Ligne de contrôle (LAC), la ligne de cessez-le-feu informelle officialisée seulement en 1993 par les deux pays.

Ainsi en septembre 1967, à Nathu La, une échauffourée entre soldats indiens, qui érigeaient un réseau de barbelés sur la frontière, et militaires chinois avait dégénéré. Fusillades et tirs d’artillerie avaient fait 88 morts du côté Indien et 300 du côté Chinois.

La dernière altercation meurtrière entre militaires indiens et chinois datait de 1975, lorsque quatre soldats indiens avaient perdu la vie en Arunachal Pradesh. Depuis, les affrontements armés avaient quasiment cessé.

Statu quo armé

Malgré tout, le contentieux persiste, l’Inde maintenant sa revendication sur l’Aksaï Chin, la Chine faisant de même sur l’Arunachal Pradesh.

Des heurts ont été recensés en mai 2020 ; des affrontements à coups de poing, pierres et bâtons avaient notamment opposé des militaires des deux pays qui s’accusaient mutuellement de violations territoriales et de construction illégales d’infrastructures. Des discussions à haut niveau pour atténuer les tensions ont eu lieu jusqu’au 6 juin. Mais les efforts de déconfliction pour éviter tout affrontement n’ont pas suffi.